vendredi 24 février 2012

Lettre que j'aurais aimée écrire à mon fils... de 2 ans...


La grève étudiante ne touche pas que ceux qui sont aujourd’hui sur les bancs des cégeps et des universités. Un lecteur y voit un combat crucial pour les étudiants de demain. Et d’après-demain.
Bonjour, mon fils. Tu n’as que 2 ans et déjà la politique te concerne.
Regarde ces jeunes qui descendent dans la rue pour faire entendre leur voix. Sais-tu qu’ils le font pour toi? Un jour, comme eux, on te demandera de payer. Quand tu gagneras moins de 15 000$ par année, on te demandera de payer 4 000$ pour tes études. On te demandera plus de 500$ par mois pour ton loyer, 50$ par mois pour te déplacer, 100$ pour ton électricité et tes communications. Et quand tu te demanderas combien il te reste pour manger, on te dira que tu te plains le ventre plein. Mais ce ne serait que justice, tu dois faire ta part, c’est ton devoir.
J’espère que ce jour-là, tu sauras regarder les riches dans leurs BMW, eux qui jouissent de réductions d’impôt et de l’évasion fiscale. Que tu comprendras ce que signifie le fait que le 1% le plus riche de la population contrôle environ 90% des richesses. Que tu sauras voir derrière leur sourire quand tu les entendras sur toutes les tribunes affirmer que ce que l’on exige de toi n’est que justice, que tu dois faire ta part, que c’est ton devoir.
Regarde, mon fils. Regarde les titres dans les journaux. On accuse ces jeunes de faire du grabuge, de provoquer des affrontements avec les forces de l’ordre, bientôt d’être violents. On tente ainsi de voler leur voix, de les assimiler à des criminels. Regarde maintenant les images à la télévision. Qui est armé jusqu’aux dents? Qui frappe à coups de bâton? Qui poivre? Qui emprisonne? Pendant qu’on se scandalise de quelques meubles brisés, on semble se réjouir de la criminalisation de notre jeunesse.
Une simple allégorie pourrait comparer l’État et sa police à un père de famille. À voir comment l’État traite sa jeunesse, je me demande ce qu’attend la DPJ pour intervenir devant autant de brutalité. Devant l’hypocrisie de ces agresseurs, fussent-ils politiciens, policiers ou riches, les mots me manquent. Qu’il est dégoûtant de voir ces gens qui ont profité d’un système s’attaquer impunément à ceux qui aujourd’hui tentent de le défendre. Ces gens qui ont profité et profitent encore, qui exigent à coups de bâton que leurs propres enfants paient plus qu’ils ne l’ont jamais fait eux-mêmes, ne connaissent-ils pas la honte?
Quand le jour viendra, j’espère que tu te souviendras de la lettre de ton père. Quand je regarde ces jeunes se tenir debout aujourd’hui, la fierté m’envahit. Moi, je vois ces jeunes armés de leur seule voix crier l’injustice d’une société malade. Ils se tiennent debout devant les Robocops de la police, n’écoutant que leur courage. Ils le font pour toi, mon fils, pour que toi aussi tu jouisses des mêmes droits dont, hier, jouissaient ceux qui matraquent aujourd’hui. Sache qu’il y a des gens comme moi qui les entendent malgré tout. Des gens qui ont envie de crier leur rage quand ils constatent la démagogie avec laquelle on traite ces événements. Des gens qui, tôt ou tard, sortiront dans la rue pour réclamer justice.
J’espère que le jour venu, tu sauras faire preuve du même courage que ces jeunes. Ce ne serait que justice. Tu devras faire ta part. C’est ton devoir envers ceux qui se battent pour que tu puisses connaître une société réellement plus juste. Comme eux, tu risques de subir l’opprobre d’une société hypocrite qui réclame toujours plus des plus faibles et des plus pauvres au profit des plus forts et des plus riches. Comme eux aujourd’hui, tu jouiras de tout mon appui, de tout mon amour et de tout mon respect. C’est bien là le moins que je puisse faire pour ceux que l’on brutalise et salit parce qu’ils dénoncent l’injustice…

– Philippe Gauvin, père de famille, Montréal

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