lundi 11 juin 2012

La magie de la F1: témoignages


1- Je suis encore sous le choc de ce qui vient de m'arriver. Ce dimanche 10 juin 2012, vers 12h25, j'étais à l'intérieur de la station Berri-Uqam. Deux agents de police du SPVM m'interpellent. Précision importante : je porte le carré rouge comme je le fais presque tous les jours depuis plusieurs mois maintenant. On me demande ce que je transporte dans mes sacs. Je réponds le plus honnêtement du monde: des livres, quelques papiers, mon portefeuille, etc. J'ai aussi mon iPad dans les mains. Les deux policiers insistent pour fouiller mes sacs. Je leur demande poliment s'ils ont un mandat à cet effet. C'est alors que l'un d'eux m'attrape rapidement par le bras et m'enserre violemment le poignet pendant que l'autre s'éloigne avec mon sac et mon iPad. Celui qui me tient me dit qu'ils n'ont pas besoin de mandat, qu'ils ont le droit de fouiller qui ils veulent, en vertu d'un règlement de la STM, soit le règlement AC-3, qui est en vigueur sur tout le réseau. L'autre policier, un peu à l'écart, fouille mes sacs, ensuite il se met à regarder mes photos personnelles et mes vidéos sur mon iPad. Je proteste et lui dit que c'est une intrusion illégitime dans ma vie privée. Visiblement, il s'en moque. Pire encore, ce même policier a volontairement effacé une de mes séquences vidéo, sans mon consentement évidemment. Je lui ai dit qu'il n'avait pas le droit de faire ça, d'autant plus que je l'avais avisé au préalable (au moment il a saisi mon iPad) de ne pas en modifier le contenu. J'ai insisté à plusieurs reprises pour connaître leurs noms et matricules. Leur noms étaient en effet cachés sous leurs dossards, donc invisibles, mais vers la fin, ils m'ont finalement donné leur noms et matricules: agent Chapdelaine matricule 2108 et agent Lopez matricule 6200. Tout au long de l'intervention, ils ont agi avec rudesse, sans aucune diplomatie ni courtoisie, ils me tutoyaient (alors que je les vouvoyais), l'un d'eux a usé de force physique non nécessaire à mon égard. Entre-temps, je suis allé voir ce qu'était le règlement AC-3 et je constate que ça n'existe tout simplement pas! Je suis dégoûté de cet État Policier. C'est de l'intimidation. Cherche-t-on à faire en sore que les gens qui portent le carré rouge se sentent comme des criminels? C'est dégueulasse.

2- Aujourd'hui, on était 6 ami.e.s, sans carré rouge, sur l'Île Ste-Hélène à profiter du soleil. On a fini 10-12, assis à la même place sur des marches près d'une fontaine. En 10 secondes, on est encerclé et mis.e.s en détention préventive par crainte qu'on allait violer la paix public (!), selon l'article C-31 du code criminel. On a rempli un bus de la STM. La très grande majorité n'avait pas de sac et encore moins d'objets présumant un crime. Bref, nous avons été détenu.e.s pendant 4h, les mains menottées. Profilage politique ou nettoyage de l'espace public. Nous n'avons eu aucune accusation ni même de contravention. Enfin, on ne nous a jamais lu nos droits, on nous a même refuserà plusieurs reprises de nous les lire.

On me passe alors les menottes en metal et me les mettent assez serrées pour que j’aille encore des marques sur un poignet 11 heures apres me les avoir fait enlevées. C’etait completement gratuit et pas nécessaire de me mettre des menottes aux poignets alors que je suis une personne avec une attitude calme dans une zone ou il y devait y avoir 1 policier au dix metres carrés et en etant pas en etat d’arrestation. Evidemment, je n’aurais jamais du etre interpellé de la sorte tout simplement pour avoir refusé d’effacer des images vidéos de ma caméra, seule raison de ma detention preventive puisqu’on me laissait partir sinon.
En chemin vers le site pres de la biosphere, je dis au policier Durocher que les menottes me font mal, il se mets a me donner des petites tapes sur les mains pour que ca fasse encore plus mal. (...)

4- En ce dimanche 10 juin 2012, j’ai tenté de participer à une manif-action consistant à me déplacer pendant quelques heures du métro Berri au métro Jean-Drapeau en vue de manifester pacifiquement mon désaccord face au Grand Prix de Formule 1, évènement qui prône ce que je considère comme étant des idéologies sexistes. En ce dimanche 10 juin 2012, j’ai tenté de participer à une manif-action consistant à me déplacer pendant quelques heures du métro Berri au métro Jean-Drapeau en vue de manifester pacifiquement mon désaccord face au Grand Prix de Formule 1, évènement qui prône ce que je considère comme étant des idéologies sexistes.
Vêtue d’une robe fleurie et d’un sac rempli d’objets dangereux tels qu’une pomme, une bouteille d’eau et trois livres, j’ai voulu pointer du doigt la haute présence policière et l’attitude frôlant le terrorisme du SPVM depuis le début du conflit gouvernemental en lisant calmement 1984 de George Orwell, un roman d’anticipation présentant une société prise avec un régime policier totalitaire.
Après m’être faite fouiller par un policier à mon arrivée au métro Berri-UQAM, j’ai pris place dans un wagon en direction de la station Jean-Drapeau, mon livre à la main. Lors de mon retour vers le centre-ville, j’ai lu face à un policier et une femme a lu avec moi, par-dessus mon épaule. Nous avons été prises en photographie et le policier, voyant que nous étions deux dangereux personnages, a appelé son équipe en renfort pour nous accueillir en bonne et due forme à Berri. Avec les autres passagers du wagon, nous avons été placés face contre mur et nous avons ensuite été amenés à l’extérieur, par les sorties de secours, où on nous a dit de ne pas revenir sous peine d’être arrêtés. Aucune réponse lorsque j’ai demandé ce qu’il y avait de mal à lire dans le métro.
J’ai commis un acte irréparable de désobéissance civile en redescendant dans la station et en retournant lire dans un wagon. Lorsque les policiers m’ont vu manger ma pomme, ils m’ont crié qu’ils reconnaissaient mes tatouages et m’ont interceptée. J’ai demandé ce que j’avais fait de mal, autre que de lire pacifiquement, et j’ai eu pour réponse que j’avais désobéi à leurs ordres. J’ai reposé ma question, à savoir ce qu’il y a de mal à être dans le métro à lire, et je n’ai pas eu de réponse. On m’a mise en état d’arrestation et les deux policiers se sont fait un chaleureux high five pour se féliciter de leur bon travail. On m’a amenée, telle une criminelle, au centre de détention du SPVM au centre-ville de Montréal, où on m’a prise en photographie sous toutes mes coutures. Après avoir enregistré tous mes effets personnels, les policiers m’ont conduite à la cellule 52 où étaient présentes trois autres femmes. J’ai passé la journée derrière les barreaux, autour d’une toilette sale, couchée sur un banc, sans savoir quand j’allais être relâchée, pour avoir lu dans un wagon de métro et pour avoir récidivé à cet acte révolutionnaire. Vers 15h30, j’ai été libérée avec un constat d’infraction me disant que tout ce cirque avait eu lieu pour un refus de circuler.

5- J'ai vécu mon premier profilage politique aujourd'hui. Je devais me rendre au grand prix pour ramasser bénévolement pour les scouts des déchets toute la journée avec un consortium écologique engagé par le grand prix. J'arrive là-bas en vélo.Un policier m'accoste, me dit d'emblée que je n'ai rien à faire ici. Je lui explique pourquoi je suis là et il me rétorque que c'est l'excuse la plus originale qu'il a entendu pour pouvoir rentrer sur le site et foutre la marde (à ce moment je n'essais même pas de rentrer sur le site, j'attends plutôt les autres à notre point de r-v à côté du métro jean-drapeau). Ils fouille mon sac, prend ma carte d'identité et appelle son supérieur pour voir si je fais parti d'une quelconque liste, lisent tous mes papiers personnels. Ils ne trouvent qu'un lunch et de la crème solaire. Visiblement déçu de ne pas pouvoir m'arrêter d'emblée, ils me disent que j'ai 5 secondes pour partir sinon je me fais embarquer et emmener en prison (!) J'en reste complètement bouche bée. Évidemment, durant ce temps, les 50 policiers autours de moi n'ont même pas pris la peine de fouiller les jeunes filles pitounes avec leur sacs à main Gucci. Tu est un douchebag? Sois le bienvenue! Tu as l'air d'un étudiant? Décalisss sinon on te met en prison!! ET APRES ON DIT QU'IL N'Y A PAS EU DE PROFILAGE AU GRAND PRIX????? Finalement, au moment de me faire embarqué un responsable du grand prix est passé et a dit aux policiers qu'effectivement, le consortium écologique existait vraiment et que je pouvais entrer sans problème. J'ai donc pu passer toute la journée à ramasser la merde des gens qui étaient les "bienvenus".
J'ai toujours pensé que le slogan: "la police au service des riches et des fachistes" était grandement exagéré mais depuis aujourd'hui il exprime exactement ce que je ressens.

6- Hier, je me suis rendu sur l'île déguisé en Fan de F1. Je me suis promener sur l'île sans être interpellé par les policiers.
Comme je ne s'avais pas à quoi m'attendre, dans mon sac à dos, j'avais mon matériel de manifestant (lunette de ski, foulard rouge et une bouteille d'eau). J'avais également rangé mon carré rouge. J'aurais aimé distribuer des tracts aux touristes, mais je me serais fait arrêté en moins de 10 sec.
Les arrestations dont j'ai été témoin étaient clairement du profilage politique.
Je ne pensais jamais devoir, au Québec, me déguiser pour circuler librement dans un lieu public.

Les journalistes nous parlent:

J’avais en ma possession ma caméra et un sac. Tout en mettant leurs mains dans mes poches, les deux agents m’ordonnent de leur donner mon outil de travail et mon sac pour procéder à une fouille. Je leur fait savoir verbalement mon refus à toute fouille. Un des deux policiers s’empare des deux objets, alors que l’autre me tord le bras derrière le dos. Lorsqu’on arrive au périmètre de sécurité érigé sur le site, les policiers me menottent. Je demande à avoir leur numéro de matricule. Il faudra que je patiente jusqu’à l’arrivé de leur supérieur, l’inspecteur Alain Simoneau, et près d’une heure d’attente pour l’avoir, 5376 et 5308.
L’inspecteur Alain Simoneau, travaillant dans le dossier des manifestations du mouvement étudiant depuis ses débuts, vient rencontrer les détenus. Lorsque je lui fais part de ma présence, il m’assure que je serais relâché suite à une rencontre avec l’enquêteur. Ses dires s’avèrent véridiques. L’inspecteur Simoneau me permet de rester sur le site à condition que je reste aux côtés d’un des membres de l’équipe des relations médias du SPVM. Finalement je reste seul, l’équipe de relationnistes étant trop occupée. Avant de partir, l’inspecteur Simoneau m’annonce que je recevrais une contravention par courrier postal «mais, peut-être qu’on n’enverra rien». On ne m’a pourtant jamais informé avoir été accusé d’aucun type d’infraction.

Les journalistes coopèrent, mais retournent une question pour chacune qu’on leur pose. Pourquoi nous fouiller? «Parce que vous arborez un signe révolutionnaire», répondra un agent, visiblement excédé, «pis parce que je suis tanné du monde comme vous.». Il porte une gaze à l’avant-bras, qui semble protéger une blessure. Pourquoi nous? N’est-ce pas du profilage? «On fait juste ça, du profilage criminel», poursuit le même agent. Le parc Jean-Drapeau ne serait plus un lieu public ? «Aujourd’hui, c’est un lieu privé ouvert au public,» enchaîne un autre, sortant des sacs une mangue, un programme de saison de danse, des carnets de notes, des stylos. Rien d’illégal, rien qui ne laisse présager aucune intention criminelle. Pourquoi ne pourrions-nous pas en être? «Les organisateurs ne veulent pas de vous ici.» Le SPVM, aujourd’hui, répond donc aux besoins et désirs des organisateurs du Grand Prix ? «Tout à fait,» dira le matricule 5323, le répétant fièrement une deuxième fois lorsqu’on lui redemandera.

À PROPOS DE L'APPLICATION DE L'ARTICLE 31:


La jurisprudence indique que les «arrestations doivent être faites lorsqu'il y a un acte criminel constaté». Les «arrestations préventives» seraient donc tout simplement illégales.

« Il y a un risque d'arbitraire très, très élevé. » — Denis Barrette, avocat représentant la Ligue des droits et libertés
Me Barrette rappelle les événements du G20, à Toronto, en 2010, lorsque les policiers ont aussi eu recours des arrestations préventives. « Dans la plupart des cas, ça a résulté en des délibérations sans accusations et à des conditions de détention inacceptables », dit l'avocat.